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Xavier Bohl

Architecte de la Presqu'île

Comment avez-vous abordé ce projet sur la presqu’île de la Touques ?

La presqu’île me charme pour son aspect sauvage, une sorte de «Tiers paysage » comme dit Gilles Clément. Il y a longtemps déjà, je me promenais dans les brumes matinales et mystérieuses le long de la Touques, avec les herbes éparses, les salicornes, quelques objets abandonnés, les peupliers hirsutes, les hangars bricolés : un univers à l’opposé de la ville policée. Mouettes, eau qui coule, limons, odeurs…

Cette idée de nature en friche, à l’opposé du jardin public bien cultivé avec l’herbe du gazon coupée, les haies alignées, les barrières blanches et coquettes, les fleurs

d’agrément si gentilles et polies. A côté de la ville civilisée, la ville ordonnée, la rive de la Touques ressemble à une sauvageonne.

Le grand parc que nous avons imaginé depuis le pont des Belges jusqu’à la mer sur la rive gauche de la rivière conservera cet aspect. Circuler à vélo, marcher sur des planches dans les herbes folles, se promener comme l’eau qui déambule en courant ondulatoire. J’aime, je souhaite ce contraste entre la rive verte sauvage et le quai de la gare urbain et architectural.

La presqu’île conservera ces deux visages, celui d’un quartier urbain avec ses immeubles, boutiques, places, ruelles, riche en surprises et en variété architecturale, et celui du parc «sauvage» de la rive de Touques.

Avec ses bassins portuaires urbains et structurés et sa rivière, il existe aussi un mélange de l’angle droit et de la courbe, du minéral de l’architecture et du végétal qui est riche et intéressant. Ce contraste et cette diversité enrichissent l’espace.



Quelles sont les grandes lignes directrices de son aménagement ?

La presqu’Ile est aujourd’hui comme un bout du monde, un peu délaissé, abandonné. Il y pousse des herbes sur des ruines. Elle se trouve cependant au coeur de la ville, au milieu de Deauville et Trouville, face à la gare. Je pense que l’enjeu de sa renaissance est de lui donner le statut de quartier vivant, relié au passage et non plus exclu.

Nous proposons d’améliorer la desserte du quartier depuis le parvis de la gare avec le quai de la Touques, la rue Thiers, la nouvelle traverse de l’horloge et le quai de la gare (le long du bassin à flot).

Il nous a également semblé important de prendre en compte les rythmes climatiques et l’orientation solaire. Ainsi nous voulons renforcer l’aspect verdoyant des limites nord de l’eau (quai de la marine, rive de la Touques) et minéraliser les côtés au sud, comme le quai de la gare, pour l’ensoleiller. Celui-ci reprend la disposition du quai de Trouville. Du sud au nord, nous avons donc un rythme : ville, arbres, eau, quai, ville, arbre, eau, quai, ville, arbres…

 



Comment s’intègre le bassin à flot dans cette composition ?

Un bassin c’est par définition plat. Aujourd’hui, les bassins sont difficiles à comprendre, à visualiser. Pour y palier, nous avons imaginé comme une « porte de la mer » entre les deux bassins, avec deux tours belvédères, une passerelle et des bâtiments publics à vocation maritime : yacht-club, services du port…

Grâce à cette porte visible de loin, les bassins vont redevenir perceptibles, présents dans la ville. Ils seront encadrés d’éléments structurants comme les bâtiments le long du quai de la gare. Le quai de la marine, déjà construit, sera renforcé par les arbres d’alignement. L’esplanade sera, quant à elle, complètement vide et libre, ce qui rendra le bassin très visible.